Collaborer à tous les niveaux: la gouvernance multi-niveaux pour des villes durables
Les 24 octobre et 7 novembre 2024, la Plateforme des Villes Durables a réuni un groupe diversifié d'experts, de décideurs politiques et de praticiens pour deux webinaires sur la gouvernance multi-niveaux (GMN) et son rôle essentiel dans la réalisation du développement urbain durable. Le premier webinaire a présenté les concepts clés liés à la GMN, tandis que la deuxième session a présenté des exemples pratiques de la façon dont la GMN est mise en œuvre dans divers contextes par les partenaires de la Plateforme des Villes Durables au Maroc, en Équateur et en République démocratique du Congo.
Alors que les défis mondiaux tels que le changement climatique et l'insécurité alimentaire s'intensifient, la GMN offre une voie pour créer des solutions collaboratives qui relient les acteurs locaux, régionaux et nationaux. Au cœur de la discussion, il s'agissait de comprendre ce qu'implique la GMN et pourquoi elle est vitale pour la transition vers des villes durables. Les participants ont examiné les obstacles qui entravent la collaboration entre les municipalités et les autorités nationales, notamment les contraintes de ressources, la centralisation du processus décisionnel et la fragmentation des politiques. Ils ont également identifié les éléments clés qui favorisent des partenariats efficaces, tels que la décentralisation, des systèmes de données solides et des espaces de gouvernance inclusifs. Les sessions ont permis de discuter des leviers d'une meilleure coordination, allant des cadres réglementaires et des mécanismes financiers au renforcement des capacités et au partage des connaissances.
L'importance de la gouvernance multi-niveaux
La GMN est essentielle pour atteindre les objectifs de développement durable (ODD) et créer des villes durables. Cette transition nécessite des changements fondamentaux et complexes dans les politiques sociales, les infrastructures, les comportements et les pratiques économiques. Aucun acteur, qu'il soit local, national ou international, ne possède à lui seul toutes les ressources, les leviers ou l'expertise nécessaires pour mener à bien cette transformation. La GMN permet aux différents niveaux de gouvernement (local, régional, national et international) de collaborer et de promouvoir une approche intégrée et cohérente. Si les municipalités gèrent divers aspects liés aux villes durables, tels que la planification urbaine, les transports, la gestion des déchets et les marchés alimentaires, par exemple, elles ont besoin du soutien d'autorités de niveau supérieur en matière de réglementation, de financement et d'assistance technique. Parallèlement, les défis mondiaux tels que le changement climatique, les inégalités et la gestion durable des ressources se manifestent au niveau local. La GMN permet donc d'adapter les politiques globales aux spécificités locales tout en garantissant une cohérence globale. En intégrant une approche multi-acteurs, elle encourage également la participation des acteurs non gouvernementaux, enrichissant ainsi le processus décisionnel et garantissant que les solutions répondent aux besoins des citoyens. Cette approche coordonnée et inclusive est essentielle pour une transition réussie vers des villes durables et la réalisation équitable et efficace des ODD.
Changer les mentalités et les méthodes de travail à tous les niveaux
Jean Bossuyt, du Centre européen de gestion des politiques de développement (ECDPM), a présenté la GMN en soulignant sa nature transformatrice : "Les approches de gouvernance multi-niveaux impliquent des changements majeurs dans les mentalités, les principes de gouvernance (par exemple la subsidiarité), les processus (par exemple la prise de décision), les méthodes de travail (par exemple la co-création) et les mécanismes de responsabilité". Il a décrit la GMN comme un abandon de la gouvernance traditionnelle descendante, mettant l'accent sur la collaboration, la co-création et la responsabilité partagée entre les acteurs locaux, régionaux et nationaux.
Pour relever les défis systémiques tels que le changement climatique et l'insécurité alimentaire en milieu urbain, il faut des réponses spécifiques au contexte, menées par les acteurs locaux, mais elles doivent être soutenues par les niveaux supérieurs de gouvernement. M. Bossuyt a relevé d'importants obstacles à une mise en œuvre efficace, notamment une gouvernance centralisée trop ancrée, des réformes de décentralisation incomplètes qui limitent la capacité des municipalités à servir efficacement leurs administrés et la concurrence pour les ressources. Les gouvernements locaux manquent souvent d'autonomie, de capacité et de ressources pour participer pleinement aux processus de gouvernance.
Pour surmonter ces défis, M. Bossuyt a identifié des moteurs clés, notamment le plaidoyer ascendant des acteurs territoriaux pour garantir leur inclusion dans les dialogues sur la gouvernance (par exemple, sur la décentralisation fiscale), la décentralisation des pouvoirs de prise de décision et de génération de revenus, l'élimination des goulots d'étranglement réglementaires affectant les performances des villes et l'intégration des voix locales dans les cadres nationaux. Il a souligné l'importance d'adopter des approches d'économie politique pour naviguer dans les dynamiques de pouvoir et encourager la collaboration.
Enfin, M. Bossuyt a appelé à donner aux acteurs locaux les moyens de penser, de s'engager et d'agir dans les processus de GMN, en tirant parti d'opportunités telles que la localisation Des ODD. Il a souligné la nécessité de renforcer les associations nationales d'autorités locales et de soutenir la création de stratégies de développement territorial prises en charge localement.
Leçons tirées de la pratique
Faisant écho à de nombreuses observations de Jean Bossuyt, Charlotte Flechet de Rikolto a partagé les résultats d'une étude empirique sur la GMN dans les systèmes alimentaires, couvrant sept pays et plus de 60 informateurs. Menée en collaboration avec la FAO, l'étude a identifié plus de 45 catalyseurs et contraintes, notamment une répartition peu claire des responsabilités entre les différents niveaux, des ressources limitées, tant en termes de financement que de capacités humaines, et des systèmes de données fragmentés qui ne fournissent pas suffisamment d'informations au niveau local pour guider la prise de décisions significatives.
La recherche recommande de définir plus clairement les rôles des différents niveaux de gouvernance, d'intégrer les systèmes alimentaires dans les débats sur la décentralisation et de renforcer le capital social en développant les capacités et en renforçant les réseaux de gouvernements locaux. Elle a souligné des principes directeurs tels que l'alignement de la coordination verticale (entre les niveaux de gouvernement) sur l'intégration horizontale (entre les secteurs et les parties prenantes) et la garantie que les processus de gouvernance sont inclusifs et spécifiques au contexte, en tenant compte des caractéristiques uniques des territoires individuels. La valorisation des divers systèmes de connaissances et la promotion de la confiance entre les parties prenantes ont également été soulignées comme des principes importants pour parvenir à des systèmes alimentaires durables.
Le deuxième webinaire a réuni des experts pour discuter des applications concrètes de la GMN:
La participation citoyenne au Maroc
Youssef Laraaj, d'Enabel, a partagé ses connaissances sur le projet Tadafor, qui vise à renforcer l'engagement civique dans 60 conseils locaux marocains. Cette initiative est conçue pour permettre aux gouvernements locaux d'établir une relation de confiance et de collaborer avec les organisations de la société civile et les citoyens dans la co-création de politiques. Pour ce faire, elle renforce les échanges entre les différents acteurs, crée des espaces de dialogue, encourage l'utilisation du budget participatif où les citoyens peuvent exprimer des besoins concrets, et facilite l'élaboration de "chartes de participation citoyenne". Le projet se concentre également sur le renforcement des outils numériques afin d'accroître sa portée auprès des citoyens.
Gouvernance de l'eau en Équateur
Gerardo Oswaldo Patín Guaquipana, de la municipalité de Guaranda, a présenté l'initiative "Water Roundtable", une plateforme de collaboration à plusieurs niveaux pour gérer les ressources en eau de manière durable. En intégrant différents niveaux de gouvernement (services municipaux, conseils cantonaux, paroisses, ministères et secrétaire technique national), des organisations de la société civile et des institutions universitaires, cette initiative vise à améliorer la qualité de l'eau, à étendre les zones de conservation et à s'attaquer à des problèmes tels que les disparités entre zones rurales et urbaines en matière d'accès à l'eau potable.
Registre numérique de la population à Kinshasa
Noël Richelieu Luenda Mambuene a présenté un projet pilote dans la commune de Kintambo à Kinshasa visant à numériser le registre de la population en collaboration avec la région de Bruxelles et l’association Brulocalis. Le projet vise à fournir des données démographiques précises pour la planification des services publics, tels que les infrastructures, les soins de santé et les programmes sociaux, tout en surveillant les mouvements migratoires internes et internationaux, en luttant contre la fraude et la criminalité et en sauvegardant les droits individuels. Il implique une étroite collaboration entre les autorités nationales - telles que les ministères de l'intérieur, de la justice et des affaires numériques, qui fournissent le cadre général -, les autorités provinciales chargées d'élaborer une feuille de route pour les services à la population à Kinshasa, les autorités municipales chargées de superviser les agents et de mettre en œuvre le projet pilote, ainsi que divers partenaires techniques et financiers. Jusqu'à présent, le projet a abouti à un recensement administratif numérique, à des sessions de formation pour les coordinateurs et les agents de terrain, à une campagne de sensibilisation du public et à la création d'un registre numérique de la population intégré aux systèmes provinciaux et municipaux.
Mécanismes pour une gouvernance efficace à plusieurs niveaux
Les webinaires ont proposé des idées pratiques pour améliorer la GMN sur un large éventail de sujets allant de la transformation du système alimentaire à la gestion durable de l'eau et de la participation des citoyens à l'amélioration des services municipaux, montrant que l'alignement des stratégies locales, régionales et nationales peut aider tout le monde à travailler ensemble de manière plus efficace en faveur du développement durable. Encourager le dialogue et la collaboration entre les gouvernements, la société civile et le secteur privé est souvent la première étape pour identifier les possibilités de résolution conjointe des problèmes et lancer un processus de collaboration pour soutenir la transition vers des villes durables. Donner aux autorités locales plus de contrôle sur les finances et la prise de décision peut renforcer leur capacité à répondre aux besoins de la communauté, tandis que des systèmes d'information bien organisés facilitent la prise de décision sur la base de données fiables qui reflètent les réalités locales.
À propos de la Plateforme des Villes Durables
La Plateforme des Villes Durables a été créée dans le cadre d'un programme de subvention financé par le gouvernement fédéral belge (DGD - Direction générale de la coopération au développement et de l'aide humanitaire). Elle sert d'espace de discussion, d'échange et de collaboration entre les parties prenantes sur les villes durables par le biais de la coopération internationale. La plateforme compte cinq membres actifs : VVSG (Association des villes et municipalités flamandes) en tant qu'organisation chef de file, UVCW (Union des villes et municipalités de Wallonie), Brulocalis (Association des villes et municipalités de Bruxelles), et les ONG Echos Communication et Rikolto. D'autres acteurs, notamment des partenaires des principaux membres, des ONG, des acteurs institutionnels et Enabel (l'agence de développement du gouvernement belge), sont étroitement impliqués. Ensemble, ces parties prenantes travaillent à la création de villes durables qui contribuent à la réalisation des ODD.
Pour plus d'informations, visitez le site : Plate-forme VVSG pour les Villes Durables.